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Deux soeurs un seul amour
Ecrit par Luc MASSON le 17 juin 2010

Comme nous l’avons annoncé au mois de mars dernier, notre famille à la joie et le bonheur d’accueillir sous son toit un enfant de plus, pour ne pas dire un nouvel enfant. Une petite fille qui répond au doux prénom (du moins à nos oreilles de parents) de NINA. Elle est née avec 15 jours d’avance, non de son fait mais du nôtre. Pour des raisons de sécurité, sa maman et moi-même avons opté pour une césarienne. Nous ne voulions en effet prendre aucun risque au regard des difficultés rencontrées lors de la naissance d’Inès, notre première fille, polyhandicapée mais au combien merveilleuse.


Deux soeurs enlacées

La venue de Nina était bien entendu désirée et plus encore. Nous avions toutefois une angoisse profonde et compréhensible, celle de revivre avec notre deuxième enfant le drame vécu avec la première. Le fait de ne pas avoir obtenu de diagnostic quant à l’origine du polyhandicap d’Inès, laissait planer un doute sur la santé et le développement de notre petite Nina.

C’est donc heureux mais stressés que nous avons accueilli ce petit Être de 53 cm et 3,750 kilogrammes le 16 mars 2010.

L’accouchement se déroula le mieux possible, les premiers jours de Nina devaient nous confirmer cette évidence.

Alors que depuis ce jour, chez nous, le temps s’écoule de la façon la plus paisible possible, je ne peux soustraire à mon esprit cette crainte de la maladie. Je sais que je ne serai totalement rassuré sur l’état de santé de Nina que lorsqu’elle fera ses premiers pas et ânonnera ses premiers mots.

Un autre sentiment m’habite pourtant, s’invitant dans le tumulte de mes peurs, la peine exacerbée par le clivage déjà criant entre Inès, 5 ans et sa petite sœur de 3 mois. Jamais je n’aurais pu imaginer que le bonheur de la « normalité » s’accompagnerait d’une douleur de la différence, maintenant si présente.

Comment pourrais-je me plaindre alors que je chemine chez INJENO au côté de familles qui ont perdu leur enfant, en quoi serais-je à plaindre ? En rien bien évidemment, ce n’est pas ici le propos. Je voudrais pourtant à ma manière partager avec vous toutes et vous tous ce sentiment ambigu, cette impression de doux amer qu’il m’a fallu reconnaître puis identifier. Une sorte de malaise ressenti au regard de l’une puis de l’autre de mes filles.

La confusion qui parfois fait vaciller la plus élémentaire de mes réflexions s’explique par de nombreuses similitudes entre nos deux filles. Le choix du prénom en premier lieu. Même s’il n’a jamais été dans notre idée de revivre par Nina ce que nous n’avions pas pu vivre pour Inès, leur prénom est régulièrement source de méli mélo, prénommant l’une pour l’autre ou les affublant d’un « Nines et Ina ». Si l’on ajoute à cela la garde robes d’Inès qui est pour partie devenue celle de Nina, la forme de leur visage et leurs postures à l’endormissement, il m’arrive parfois de perdre la notion du temps et de me laisser happer par mes souvenirs. Une sorte de clap sans fin un « coupez ! on la refait »

Comme il m’est difficile d’en parler directement avec des mots de papa, j’ai choisi de vous expliquer ce parcours intérieur avec des mots d’amoureux des plantes et des fleurs, le vocabulaire de la botanique pour vous parler de mes deux « Rosa gallica » Inès et Nina. J’espère que vous irez au-delà des mots et accepterez ces quelques métaphores.

Ceux qui me connaissent et avec lesquels j’ai pu parler un jour d’autre chose que d’INJENO (mais si c’est possible), savent que j’ai une inclinaison naturelle pour la terre, ce qui compte tenu de ma hauteur, m’occasionne quelques courbatures. Ce passe-temps écologiquement correct me vient de mon père qui le tenait lui-même de son propre père. Une véritable culture de l’ouche ! Il m'a un jour remis à l'occasion de l'un de mes anniversaires, le livre de jardinage de mon grand-père, une édition du début du 20ème siècle, couverte de ses annotations, enrichie de ses expériences et de son savoir-faire. Cet ouvrage un peu défraichi par le temps, trône majestueusement dans l'armoire familiale entre le guide PARKER des vins de Bordeaux et le code civil édition Dalloz 2008, tout un programme.

Je retrouve dans le jardinage des qualités que notre éducation ou la vie nous amènent à adopter. Il y a avant tout celle de la patience parce qu’il est souvent long le temps qui s'égraine du semi à la récolte. Puis celle de l’imagination car en matière de plantations il faut être capable d’anticiper et de visualiser ce que la jeune pousse offrira au regard en côtoyant d’autres fleurs. Il y a enfin celle de l’humilité car vous aurez beau déployer force courage et quantité d’artifices les plus chimiques les uns que les autres, si mère nature en décide autrement, il vous faudra attendre la saison prochaine.

Le jardin a cela de précieux qu’il occupe le temps, l’espace et l’esprit. Il est tantôt d’Eden, secret ou extraordinaire. Prenez les mêmes plantes et les mêmes fleurs, confiez les à différentes personnes elles vous feront des paysages d’une grande variété, car il y a de nous dans nos jardins, nous y cachons une part de notre âme, c’est peut être pour cette raison qu’ils inspirent les poètes, fascinent les peintres et hantent ceux qui veulent y être enterrés.

La reine des parterres, la fleur que l’on retrouve le plus souvent dans les jardins à la française, comme l’on dit, est la rose, ou les roses devrais-je dire. Le genre compte plus de 200 variétés, elles parfument l’histoire de l’humanité depuis plus de 5000 ans. Le naturaliste grec, Théophraste (les membres du bureau d’INJENO comprendront le clin d’œil), décrit une rose à nombreux pétales, une forme de rose cultivée dans les jardins et note l’intensité du parfum de la rose de Cyrène.

Je retrouve dans cette fleur une source d’exaltation des sens comme peut parfois nous offrir la vie. La vue avant tout, la richesse des formes et des couleurs. L’odorat juste après, si certaines n'ont aucune fragrance, elles compensent par leur beauté. Le toucher ensuite, il faut y prendre garde, chaque rose a ses épines. Le goût encore, présent dans nombre de nos mets. L’ouïe enfin, car si Ronsard loue ses épines « Mignonne allons voir si la rose qui ce matin… » Aragon en fait une icône « Celui qui croyait au ciel, celui qui n’y croyait pas la rose et le réséda ».

Quoi de plus normal alors que de prêter à mes filles les vertus de cette belle mythique. En bon jardinier en herbe que je suis, tous les ans à partir de l’hiver, je réduis soigneusement la hauteur de mes plantureuses rosa, rosae, rosis, (de bons ou moins bons souvenirs pour certains d’entre-nous).

Tous les ans j’espère qu’à la saison prochaine, les plus vigoureux des rosiers donneront une fois encore le meilleur de leur excellence génétique et qu’une fois n’est pas coutume, les plus chétifs d’entre eux sauront puiser dans la terre nourricière la force et la vigueur pour rivaliser de beauté de majestuosité. Pourtant, combien de fois ne me suis-je pas dit, « laisse tomber », enlève le de cet endroit et cache le derrière cette butte à l’endroit même où tu réserves le sort des plans dont l’avenir est incertain. Comment laisser se côtoyer l'enthousiasme et l'incertitude ?

Pourtant, à chaque retour du printemps, après avoir impatienté l'espoir, je contemple avec ravissement le miracle de l'amour. Là où il n'y avait qu'un frêle bourgeon, il y a aujourd'hui l'esquisse d'une fleur, le croquis d'un bouton dont on espère l'avènement tout en conservant la certitude qu'il sera différent de celui qui juste à côté rayonne d'une beauté insolente.

Mes filles, je vous aime et vous accepte comme vous êtes, individuellement, singulières et dotées de votre personnalité, c'est aujourd'hui votre différence qu'il me faut accepter, ce démon de la normalité qui, même si je suis conscient de la distance qui vous sépare, me pousse parfois à vous comparer. Je ferai taire la bête pour ne garder dans ma mémoire que l'image de deux soeurs. Je vous garde près de moi à l'abri des insectes, au fin fond de mon jardin secret...

Luc Masson
Papa d'Inès et Nina

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